Qu’est-ce qu’une donnée ? Qu’est-ce qu’une donnée ouverte ?

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Cette FAQ publie les questions qui nous ont été adressées dans le cadre de nos activités (→ voir Qui sommes-nous ?), et les réponses que nous y avons apportées en nous appuyant sur la réglementation en vigueur. La tonalité souvent normative de ces billets ne doit cependant pas décourager le débat sur les conditions d’application de ces règles : n’hésitez pas à les commenter !

Qu’appelle-t-on une donnée ?

La notion de “donnée” n’est pas formellement définie et reste donc difficile à cerner. On peut commencer par rappeler que les “données de la science” sont composées :

  • des résultats scientifiques, c’est-à-dire les résultats publiables  par un éditeur scientifique ;
  • des données de la recherche.

La définition de ce que sont les données de recherche la plus communément citée est celle de l’OCDE qui les considère comme des

…enregistrements factuels (chiffres, textes, images, sons) utilisés comme sources principales pour la recherche scientifique et généralement reconnus par la communauté scientifique comme nécessaires pour valider les résultats de la recherche1.

Cette définition restrictive est cependant souvent contestée, principalement parce que la notion d’ “enregistrement factuel” décrit mal la réalité des données utilisées en SHS, et également parce que toutes les données produites dans le cadre d’un projet n’ont pas forcément servi à “valider ses résultats” – ce qui ne remet pas en cause leur intérêt2. La définition plus large proposée par Marie-Claude Deboin dans le cadre du Coop-IST – CIRAD apparaît donc plus satisfaisante :

Les données de la recherche, ou données de recherche, ou données scientifiques, peuvent être définies comme l’ensemble des informations  collectées, observées ou créées sous une forme numérique dans le cadre d’un projet de recherche3.

On remarquera que cette définition introduit un paramètre : le numérique, qui n’apparaissait pas dans la première, et qui reste après tout discutable (voir sur ce blog : “Une donnée doit-elle nécessairement être numérique ?”). Dans son article, Marie-Claude Deboin distingue par ailleurs plusieurs grandes catégories de données : les données d’observation, les données d’expérimentation, les données dérivées ou compilées, les modèles ou simulations.

Or, sans être totalement étrangères aux sciences humaines et sociales, ces catégories ne rendent compte qu’imparfaitement de ce que peuvent être l’ensemble des “données” utilisées ou créées par ces disciplines : manuscrits, archives, films, œuvres d’art… préexistants à la recherche, bases de données, tableaux de chiffres, modèles 3D, photographies de sources écrites, photographies prises par l’ethnographe sur son terrain, transcriptions d’enquêtes, etc. qui sont le résultat d’un long travail de préparation, de collecte, de compilation et de structuration, peuvent tous être assimilées à des données : ils ne correspondant pourtant pas tous à la même étape du processus de recherche, ne sont pas tous également diffusables et partageables dans les mêmes conditions, ni à même de fonctionner comme preuve des résultats de la même manière et selon les mêmes modalités. Comme l’a rappelé, par exemple, l’atelier Digit-Hum du 13 octobre 2022 (voir le compte-rendu de cet évènement sur ce blog), la communauté de recherche SHS a tout intérêt à se saisir de cette réflexion pour que ses spécificités soient prises en compte dans la conduite des politiques de science ouverte.

Que dit le droit ?

Comme le rappelle Anne-Laure Stérin,

En droit, on ne sait pas ce qu’est une donnée, c’est-à-dire qu’une donnée, en soi, ne relève pas d’un régime juridique spécifique. Le droit ne connaît que les données à caractère personnel (dont l’utilisation est fortement encadrée) et les données du secteur public (aussi appelées informations publiques, dont la plupart sont a priori librement accessibles et réutilisables, parfois en contrepartie d’une redevance). Hormis ces deux natures de données, le terme « donnée » (au sens d’information) ne détermine pas un régime juridique4.

Les données de la recherche sont en effet englobées dans une catégorie plus globale, celle des documents administratifs au sens où l’entend le Code des relations entre le public et l’administration (voir dans ce blog le billet “Est-on obligé de rendre publiques ses données ?”), qui n’en fournit pas de définition spécifique. Parmi ces documents, ou informations publiques, certains sont concernés par le Règlement général sur la protection des données, ce qui exclut une diffusion libre (voir “Quel type de données dois-je (et puis-je) ouvrir ?”) : mais la restriction , là encore, est loin de ne s’appliquer qu’aux données de recherche.

Au regard du droit, il existe cependant une exception notable dans le monde de la recherche : on sait que le chercheur est le seul agent public à conserver des droits d’auteur sur les publications produites dans le cadre de sa mission. Or les notions d’ “œuvre originale”, “œuvre de l’esprit” et même de “publication scientifique” sont suffisamment vagues pour que des doutes s’élèvent régulièrement sur la frontière existante entre une “donnée” élaborée, et une “œuvre de l’esprit”5 Il existe notamment une jurisprudence qui reconnaît à l’éditeur scientifique d’un texte le droit d’exiger d’être identifié quand on utilise son travail6. Et, plus généralement, le producteur d’une donnée peut légitimement revendiquer d’être identifié en cas de réutilisation de ses données7.

Qu’est-ce qu’une donnée ouverte ?

Généralement, une “donnée” est considérée comme ouverte lorsqu’elle est diffusée publiquement, gratuitement et sans restriction, de manière suffisamment documentée et structurée pour être (re)trouvable et (ré)utilisable, dans le respect des principes FAIR :

Source de l’infographie : DoRANum. Données de la recherche : apprentissage numérique [En ligne]. France : DoRANum; 2019. Les principes FAIR [modifié le 04 décembre 2019 ; consulté le 22 mars 2022]. Disponible : https://doranum.fr/enjeux-benefices/principes-fair/

Cependant, il existe des cas où les données ayant servi à la recherche ne peuvent pas être diffusées en libre accès : informations personnelles ou sensibles, touchant à la sûreté de l’Etat, à la propriété intellectuelle ou industrielle notamment8. On est obligé dans ce cas, non pas forcément de renoncer totalement à leur publication, mais d’opter pour une diffusion restreinte, sous conditions ou au sein d’un dispositif sécurisé. Et si la nature des données l’impose, ce cadre de diffusion restreint ne contrevient pas aux exigences de la science ouverte, puisque le chercheur/la chercheuse a fait au mieux, en fonction des possibilités légales qui lui étaient offertes, pour que ses données soient réutilisables.

En effet, on peut aussi penser que ce n’est pas l’open access en soi qui définit une donnée ouverte, mais sa réutilisabilité, vers laquelle tendent aussi, finalement, les principes FAIR.

Pour résumer, on peut donc dire qu’une donnée ouverte est une information collectée ou produite dans le cadre d’une recherche scientifique, et publiée de manière à être trouvable, consultable, intelligible et réutilisable, notamment dans le cadre d’une autre recherche.

Pour approfondir

Ressources

Notes

  1. OCDE, Principes et lignes directrices pour l’accès aux données de la recherche financée sur fonds publics, éditions de l’OCDE, 2007 : p.18. Disponible en ligne : http://www.oecd.org/fr/science/inno/38500823.pdf [↩]
  2. Sur ce sujet, voir par exemple : Noëmie Rosemberg, “De la définition des données de la recherche,” dans En quête des données, le 30/09/2015, https://donneesshs.hypotheses.org/39. Consulté le 28/03/2022. [↩]
  3. Deboin, M.C. 2020. S’initier en ligne aux données de la recherche et à leur gestion, en 4 points. Montpellier (FRA) : CIRAD, 4 p. <https://doi.org/10.18167/coopist/0055 [↩]
  4. Anne-Laure Stérin. Diffuser des données de la recherche dans le respect du droit et de l’éthique : Comment faire lorsqu’on n’est pas juriste ? dans Véronique Ginouvès; Isabelle Gras. La diffusion numérique des données en SHS – Guide de bonnes pratiques éthiques et juridiques, Presses universitaires de Provence, pp.299-302, 2018, Digitales, 9791032001790. hal-02050510 [↩]
  5. Voir par exemple à ce sujet Marie-Luce Demonet, “La confiscation des données issues de l’humanisme numérique”, dans La diffusion numérique des données en SHS – Guide de bonnes pratiques éthiques et juridiques, op.cit. : hal-02068085. [↩]
  6. Voir Anne-Laure Stérin, “L’éditeur de texte est-il un auteur ?”, 25 février 2021, https://ethiquedroit.hypotheses.org/1800 [↩]
  7. “La réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées”, article L. 322-1 du Code des relations entre le public et l’administration). [↩]
  8. Concernant les exceptions légales à la publication des données, voir “Est-on obligé de rendre publiques ses données ? Quelles sont les exceptions légales à l’obligation d’ouverture ?” [↩]

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Julie Aucagne (26 octobre 2022). Qu’est-ce qu’une donnée ? Qu’est-ce qu’une donnée ouverte ? So MSH ! Consulté le 14 octobre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/ugfw

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